Essai d'évaluation
du nombre de rangs au Québec

par

Louis-Edmond HAMELIN

professeur émérite de géographie
Université Laval, Sainte-Foy (Québec), G1K 7P4


Résumé

Cette étude quantitative de géographie historique réalisée à partir d'archives, de cartes et de relevés s'intéresse à un phénomène géographique majeur au Québec : le rang. Trois aspects sont considérés : 1) l'ouverture des rangs (1 900 en 1835, 12 000 en 1948); 2) l'occupation des rangs qui suit une courbe concave-convexe avec un maximum d'environ 6 700 rangs habités au cours du premier quart du XXe siècle; 3) la fermeture des rangs. L'évaluation des trois phases de ce cycle met en perspective la situation actuelle : plus de deux rangs sur trois ne sont plus occupés et, en 1980, la Plaine de Montréal constitue la principale région à rangs du Québec.

MOTS CLÉS : Habitat aligné, rang, Québec méridional, colonisation, statistiques.


Abstract

Line Settlements in Rural Quebec : A Numerical Study

This study in historical geography, based on archival documents as well as maps and field surveys, deals with a major geographical phenomenon in Quebec : the line settlement (rang). Three aspects are considered : 1) the opening up of line settlements : 1 900 by 1835, 12 000 by 1950; 2) the actual settlement which follows a concave-convex curve during the early 20th century when a maximum of 6 700 inhabited line settlements is reached; 3) the closing down of line settlements. As a result of these three phases, more than two out of three line settlements are now unoccupied; by 1980, the Montreal plain represents the major line settlement region in the province of Quebec.

KEY WORDS : Line Settlement, range, Southern Quebec, colonization, data.




Même si l'habitat aligné — le rang — est très caractéristique du Québec, il est quand même loin d'être devenu un sujet privilégié de recherches; à plus forte raison, en fut-il ainsi de son aspect quantitatif car aucune étude ne semble lui avoir été consacrée. Contribuer à combler cette dernière lacune constitue notre présent objectif. Cette étude de géographie historique révèle à la fois une perception du territoire et la dynamique du Québec rural.

La notion de rang

La définition même du rang — considéré au seul champ de l'habitat rural — demeure une question ouverte. L'histoire de cette notion conduit à pas moins de 20 rubriques; elles mettent l'accent sur les constituants visibles du rang (lots, maisons, chemin, gens), les aspects culturels du terroir, les phases historiques, des abstractions ou des extensions de sens. Ici, seules nous intéressent les acceptions qui parlent de la forme territoriale du rang. Dans la tradition lexicographique, rang implique un rectangle spatial rempli de terres perpendiculairement disposées à un chemin au long duquel se trouvent une série de maisons. En langue technique, rang est un territoire arpenté de 5 à 25 km2, composé de lots allongés, contigus et habités, traversé par une voie de front bordée d'édifices alignés, non autonome au plan administratif, d'économie primaire, dénommé et identifiable culturellement. Les mots côte et concession peuvent être synonymes de rang.

Au sujet du phénomène, le continuum de la pensée à l'action laisse voir cinq phases possibles : les rangs rêvés (ceux qui étaient désirés par les ruralistes les plus militants et qui ont largement dépassé en nombre les rangées qui seront ouvertes), les rangs d'arpentage (rangées préparées en vue de l'occupation éventuelle des lieux), les rangs créés ou ouverts ou défrichés, les rangs occupés ou vifs ou persistants, enfin, les rangs fermés (vides d'habitants et d'exploitants; chemin de rang disparu). Les deux premières catégories ne font pas partie des rangs réels, ceux qui ont été ou sont encore inscrits dans le paysage physique et culturel du Québec. À cause des fermetures, les rangs présentement occupés sont moins nombreux que les rangs un jour défrichés. L'étude qui suit s'intéresse surtout à la valeur numérique des rangs occupés depuis le XVIIe siècle.

Sources et méthodes

Le statisticien est loin d'être au bout de ses peines car le seul bloc des rangs réels peut être vu de plus d'une façon. Ici aussi, les états apparaissent bien variables. Ils le sont par leur âge, bien sûr, mais aussi par leurs dimensions. Comme la longueur des rangées varie de quelques kilomètres à plus de 15, le chercheur devrait-il d'abord mettre au point un rang uniformisé qui n'existerait nulle part mais auquel chacune des entités disparates pourrait se comparer? En outre, les alignements ne sont pas également remplis de gens : certains sont à peine occupés, d'autres convenablement pleins en fonction des lots disponibles, d'autres surchargés démographiquement; à ce sujet, il faudrait établir à partir de quel nombre de fermes et de quelle distance inter-maisons on peut considérer l'habitat comme assez « rangique »1; le sous-état volumétrique constitue un problème permanent ayant commencé avec les premières installations dans la région de Québec vers 1630, et se posant encore maintenant mais à l'inverse par suite du dégarnissement progressif des rangées. Quand les données le permettront, des distinctions situationnelles seront présentées; autrement, il ne sera question que d'entités indifférenciées.

Exemples

L'Abitibi a connu des nombres différents d'alignements en fonction des concepts définis plus haut. À l'intérieur du grand rectangle délimité par les latitudes 48° et 49°30 et par les longitudes 77° et 79°30 (donc en dehors du Témiscamingue et du territoire de l'Abitibi), les peuplements désirés par les propagandistes équivalaient à 1 100 entités; le projet des « 250 à 300 paroisses » en aurait même donné de 1 500 à 1 800 (Hubert, 1929, p. 80). Les rangs préparés, au moins concernant l'arpentage, en ont touché 900 mais le total cumulatif des rangées ouvertes, réelles, n'a pas dépassé 400. Vers 1980, seulement 150 d'entre elles manifestaient une certaine vitalité; bref, les rangs vifs y étaient devenus moins nombreux que les rangs fermés. Chacune des régions périphériques du Québec a subi de semblables écarts. Au Saguenay, sur environ 650 rangées d'arpentage (relevé de 1929), les rangs d'habitat n'auront représenté que le tiers environ. La Gaspésie (à l'est du 67° de longitude) a vécu une situation équivalente : les rangs rêvés auraient pu s'établir à près de 1 000; au nombre des 550 rangs préparés, 250 ont été ouverts; environ 100 existent encore.

En outre, chaque cheminement conduit à des masses différentes. Prenons l'exemple des quantités possibles autour de 1830. Notre relevé cartologique — déjà interprétatif — avait identifié 1 056 rangées vives, en grande majorité localisées à l'intérieur des seigneuries. Comme le groupe de recherches en géographie historique de l'Université Laval l'a constaté quant au nombre de villages, le nombre de rangs aussi apparaît sous-représenté sur les cartes de Bouchette. Mais de combien? Les valeurs numériques de la population agricole — à évaluer en partie d'ailleurs — se présentent comme un premier moyen de compléter le sous-inventaire de l'arpenteur; en divisant le chiffre de la population agricole par un nombre moyen de personnes par rang, on arrive à 1 698 rangées. Un autre procédé d'estimation — la superficie totale des fermes divisée par la superficie pondérée d'une rangée — en produit 2 200. Chacun des autres indicateurs fournit des valeurs toujours différentes pour la même année; certains résultats doublent même celui venu du relevé des cartes. À la fin, nous avons opté pour un total de 1 600 rangs, compte tenu aussi de la pente générale de la courbe pour les périodes antérieures et postérieures. En aucune année, nous n'avons trouvé de forte proximité entre les résultats livrés par chacun des critères individuels considérés2.

Relevés et calculs

En pratique, le calcul du nombre ou des nombres d'entités a été fait de quatre façons. Premièrement, par la méthode directe qui consiste à les additionner un à un en parcourant le terrain; ce moyen n'a pu être pratiqué qu'à l'échelle paroissiale et en quelques régions dont l'Abitibi-Témiscamingue en 1967. Deuxièmement, par méthode indirecte, soit le comptage des rangées apparaissant dans les terriers, sur des cartes historiques (Bouchette), sur de nombreuses feuilles détachées (au 1 : 25 000 et 1 : 50 000) ou généralisées ainsi que sur des photos aériennes; de même, des documents par satellites font voir des familles de rangs; de tels outils sont irremplaçables afin d'évaluer les effectifs. Troisièmement, des calculs ont été faits à partir d'indicateurs ou critères (concession des seigneuries, fiefs, townships et cantons; superficie et nombre de fermes; quantité de lots par rangée; population agricole; paroisses, écoles de rang; voies de circulation); ces exercices fournissent des quantités rangiques plus approximatives que celles fournies par les sources précédentes. Enfin, le nombre de rangs créés n'a pu être évalué qu'à partir de laborieux calculs. C'est en recoupant ces multiples données que l'on peut arriver à des ensembles chiffrés peut-être vraisemblables.

Limites documentaires

Une autre inquiétude vient des variations des valeurs des indicateurs au cours des trois siècles étudiés; chaque témoin possède sa propre dynamique; par exemple, le nombre d'hectares par rang a varié du simple au double; ce critère doit donc être chronologiquement pondéré. Il en est de même du nombre de fermes du Québec dont l'un des facteurs de modification vient de changements dans les définitions lors des recensements officiels.

Une connaissance nuancée des facteurs choisis est également nécessaire. Quant aux aires campagnardes, les relevés du passé n'ont pas toujours distingué clairement la superficie concédée, la superficie totale des fermes, la superficie des boisés de ferme, la superficie occupée, la superficie cultivée et la superficie améliorée; au cours de l'évolution, les concepts sont devenus plus nets sans que les statistiques correspondantes ne deviennent plus sûres. Il faut rappeler que des cantons n'ont jamais été ouverts à la colonisation; il y en a peut-être eu 200 avant 19403. Pour cette raison entre autres, la quantité des rangs d'habitat demeure moindre que celle des rangs d'arpentage.

Même de bonnes sources ont leurs propres limites, comme l'indiquent trois exemples :

1) les cartes de Gédéon de Catalogne sont fondamentales dans le calcul du nombre de rangs habités au début du XVIIIe siècle4. Malheureusement, elles n'existent que pour deux des trois districts administratifs, la carte de Montréal demeurant introuvable;

2) pour 1860, nous avons la bonne fortune de nous appuyer sur des relevés soignés (Courville et al, 1988, de même que les fonds de cette publication mis à notre disposition); cette fois, la documentation n'avait été préparée que pour le District de Montréal; et enfin;

3) la photographie au 1 : 300 000, établie par la NASA à partir du vol de la navette spatiale en 1984, ne montre que la moitié des rangs du Québec et même des nuages couvrent les deux tiers de l'Abitibi.

Dans chaque cas et dans tous les autres similaires, nous avons dû compléter les données fournies en utilisant d'autres sources, ce qui amène une disparité dans les moyens de recherches et peut-être une autre imprécision dans les valeurs numériques totales.

Il ne semble pas exister de critère qui, employé seul, conduirait à une évaluation satisfaisante du nombre de rangs pour une année et, à plus forte raison, pour toutes les années. Même le comptage des entités rangiques sur carte possède des pièges; le rectangle dessiné ne renseigne pas toujours sur l'état agricole des lieux; parfois même, un rang fermé est encore représenté; la date d'impression de la carte ne donne pas l'heure exacte du terroir; de plus, les renseignements n'ont pas nécessairement le même âge, par exemple en ce qui concerne l'abandon des peuplements. Méthodologiquement, nous sommes d'avis que toutes les difficultés quantitatives ne pourront être aplanies que par l'organisation d'un fichier détaillé de chacun des types de rang (rêvé, arpenté, occupé, dénommé, abandonné, disparu, etc.) suivant leur durée, comme des chercheurs ont pu le faire en ce qui a trait aux seigneuries, paroisses et lots individuels.

Ces remarques conduisent à l'énoncé de deux des limites de ce premier inventaire des rangs du Québec. D'abord, le lecteur n'oubliant pas les difficultés d'établir les données les considérera non comme absolues mais comme acceptables. En second lieu, les calculs se présentent à l'échelle décennale, voire même séculaire; la courbe générale voile donc les cycles courts de même que les variations annuelles.

Évolution du nombre de rangs occupés

Le flottement des données n'interdit toutefois pas de rechercher des témoignages concernant le volume général des rangs qui ont été habités en même temps5.

Les données

Tableau 1

Rangées vives d'habitat au Québec méridional, 1625-1980*

Année

Nombre

Sources principales

1625

0

 

1640

3

Évaluation des embryons de rang habités à partir de la population et des cartes de Bourdon (1641 ). D'autres documents donnent 5 rangées.

1660

15

Évaluation moyenne à partir des concessions seigneuriales et du Terrier (Trudel, 1973).

1710

160

Comptage des rangées sur les cartes de Gédéon de Catalogne pour les régions de Québec et de Trois-Rivières; évaluation à partir de la population pour la région de Montréal.

1725

210

Comptage à partir des Aveux des seigneuries, surtout pour 1721-1725 (Archives nationales du Québec); évaluation à partir des documents Collet, 1721-1722 (Québec, 1853).

1740

345

Évaluation à partir des effectifs démographiques et d'un nombre pondéré de personnes par rang.

1755

520

Évaluation moyenne à partir de la répartition de la population rurale, du nombre possible de rangées par paroisse, du nombre de paroisses, du nombre de fermes, de la superficie occupée.

1815

1 200

Comptage sur la carte de Bouchette (1815); évaluation à partir du nombre de townships (Québec, 1982).

1830

1 600

Comptage sur la carte de Bouchette (1831 ) et à partir des statistiques de 1827 (Bouchette, 1832).

1840

2 100

Voir indicateurs de 1755.

1860

4 700

Relevé des rangs des seigneuries dans les Cadastres abrégés (Canada-Uni, 1863); évaluation des rangées dans les townships/cantons suivant les statistiques agricoles; 600 paroisses de colonisation
(Drapeau, 1863).

1870

5 600

Calcul à partir de la population agricole, de l'accroissement considérable des cantons (1861-1870) et des statistiques agricoles.

1915

6 700

Évaluation moyenne à partir des statistiques agricoles de 1911 et 1921; émigration; fort accroissement des cantons (1903-1909).

1930

5 200

Voir indicateurs de 1755.

1945

5 500

Comptage sur cartes détaillées; évaluation du nombre de nouveaux rangs durant la Crise des années 1930 et du nombre de rangées fermées durant la Guerre.

1960

4 600

Voir indicateurs de 1755.

1980

3 700

Comptage des bons rangs d'après les Inventaires géographiques régionaux d'Hydro-Québec (1978-    ) couvrant en partie le Québec méridional; évaluation des autres niveaux de rangs vifs; documents, NASA, 1984.

*Il s'agit uniquement de rangs habités (qui peuvent n'être pas complets). Valeurs arrondies.

Cinq phases

Une lecture ethnique et détaillée identifie cinq phases. La première, antérieure au XVIIIe siècle, serait caractérisée par l'installation du type aligné de l'habitat; les plus anciennes rangées d'occupation datent de la décennie 1630-1640 (1626 : début des seigneuries); le phénomène de l'alignement qui commence dans la région de Québec se produit après deux ou trois décennies de présence française. Côte, seigneurie et rang (ce dernier mot attesté depuis 1664) ont désigné les débuts de l'habitat linéaire. Presque tout se fait en fonction des attitudes culturelles de la métropole. Il s'agit évidemment de rangées courtes, rarement reliées par un chemin roulant et rassemblant peu de personnes; celles-ci n'occupent d'ailleurs pas que des fonctions agricoles. Pour 1660 (tableau 1), nous avons indiqué 15 rangées, mais le Terrier de 1663 en suggère davantage (Trudel, 1973). On reconnaît que la « colonie était bien implantée » (Campeau, 1983). Vers 1665-1672, la population préfère le rang aux bourgs proposés et même installés par l'intendant Talon. L'éloignement du fleuve se poursuit. La très grande majorité des rangées au XVIIe siècle se rattachaient au type rang du fleuve, mais des alignements occupent déjà des deuxième et troisième positions vers l'intérieur. Seulement 1 % de tous les rangs créés dans l'histoire du Québec l'ont été au cours de ce premier siècle de colonisation.

La seconde phase s'étend de la fin du XVIIe siècle à 1765 environ, période au cours de laquelle se manifeste le premier mode propre au Canada français. Il prolonge l'expérience des ancêtres au pays et solutionne des problèmes de pénétration dans les profondeurs proches (type rang d'arrière-fleuve). La carte de Gédéon de Catalogne montre une dizaine de rangées de Cap-Rouge à Lorette. En 1732, les Aveux informent qu'une paroisse possède un septième rang. Avant la Conquête, quelques dizaines de rangées s'étalent de la rivière des Mille-lsles jusqu'au Richelieu; nulle part, l'occupation rangique n'est aussi étendue. S'opposent le remplissage des vieux peuplements et la marche pionnière; beaucoup d'habitants préfèrent, pour des raisons d'héritage et de revenus, subdiviser les lots d'origine, ce qui « serre les rangs » et accroît leur charge démographique, réaménagement que le Roi combat, notamment en 1745. Les rangs populeux et à terres plus étroites vont être désignés Straggling Villages par Harris (1984).

Du troisième quart du XVIIIe siècle à 1840 environ, le régime agraire anglais s'installe suivant un autre code colonial; on entre alors dans la troisième phase. Les Britanniques innovent avec le township et la tenure du franc et commun soccage. D'une façon assez peu connue, les townships de l'Est canadien vont être subdivisés en bandes allongées, dénommées surtout ranges et concessions; elles ressembleront somme toute aux rangs précédents taillés dans les seigneuries (la largeur et la superficie des lots étant cependant plus grandes). L'administration anglaise va créer environ 1 000 ranges mais ils ne seront pas tous occupés suivant leurs traits d'origine. Durant ce temps, les « Canadiens » continuent à s'installer dans les régions encore libres des seigneuries sur des lots de plus ou moins 100 acres (40 ha). En 1830, les colons de langue française, suivant leur formule traditionnelle, occupent environ 75 % de tous les alignements de la vallée du Saint-Laurent.

La quatrième phase est constituée par le deuxième mode canadien-français (1840-1940) qui sera le plus important de toute l'histoire rurale du Québec. C'est l'époque du principal développement d'une idéologie agriculturiste de même que celui du langage (toponymie, mots courants, littérature du terroir); jamais un plus grand nombre de personnes va se trouver dans des rangs et être en situation de « parler rang ». Ce peuplement maximal se fait en deux temps : durant les 30 premières années, le nombre des alignements occupés passe d'environ 2 000 à 6 000, soit une création moyenne de 120 entités par an. Le Québec laurentien constitue un immense chantier avec ses 600 paroisses de colonisation (Drapeau, 1863); le Saguenay présente un exemple régional. En fait, on ne fait pas qu'ouvrir des rangs; on remplit aussi ceux qui sont déjà ouverts (rangs d'arrière-fleuve). On force la transformation du range de township en rang de canton; la dernière formule deviendra presque unique au cours de la seconde moitié du XIXe siècle6. Le deuxième temps (1870-1940) montre une presque stabilisation numérique de la population agricole et des rangs occupés (autour de 6 000 entités). Il se produit donc un renversement dans la courbe à long terme qui passe de l'allure concave à l'allure convexe. Cette quasi-horizontalisation quantitative ne doit cependant pas tromper; la colonisation n'a pas cessé; elle va même reprendre de la vigueur au début du XXe siècle ainsi que durant la Crise; une telle évolution positive est attestée par la superficie des fermes, qui augmente de 63 %7. Mais puisque le nombre total de rangs occupés n'a à peu près pas augmenté, des milliers de rangs ont, dès cette époque, été abandonnés. L'émigration continue de faire ses ravages malgré la crise économique du dernier quart du XIXe siècle, période qui ne semble pas avoir fait mieux que d'assurer le maintien du nombre total de rangs occupés. Puis, jouera l'urbanisation dévorante. La quasi-équivalence des masses de rangs voile les modifications de leur contenu; par une forte minorité, les 6 000 rangs de 1940 ne sont pas ceux de 1870 car il s'est produit un déplacement des écoumènes rangiques; des régions ont perdu des rangées, d'autres en ont gagné. Un si fort changement territorial n'aurait pu se faire sans une aptitude mentale à la mobilité chez les individus eux-mêmes. Enfin, les nouveaux rangs sont presque également localisés dans la Plaine d'une part et les régions de bordure d'autre part.

La cinquième phase qui, depuis 1940, équivaut au dernier mode canadien-français, est presque à l'opposé de la sous-période 1840-1870 : alors que l'on ouvrait plus de peuplements que l'on en fermait, on va en fermer beaucoup sans presque en ouvrir. Un chercheur avait noté que les excédents de la population agricole ne s'engageaient plus dans la culture du sol (Blanchard, 1949). Actuellement, il doit rester moins de 4 000 rangées vives, la diminution des aires en culture ayant été particulièrement rapide de 1965 à 1975. Une vue séculaire permettrait même de constater que la superficie de l'écoumène rangique du Québec est revenue à celle de la période pré-confédérative.

Figure 1

Rangs et concessions :
la région du Lac-Beauport *

* En s'en tenant aux seules formes des lots et des rangées, représentées sur la carte, on distingue en bas le rang d'arrière-fleuve, tout en haut, le range, et au centre droit, le rang de canton.

Étant donné que ce sont les bons rangs qui constituent principalement le présent bloc rangique et que la colonisation agricole n'est plus un objectif politique, le nombre de rangs occupés pourrait se stabiliser de nouveau. Depuis la Seconde Guerre, en associant à ce segment de faibles variations la forte chute numérique antérieure, on voit naître une seconde concavité dans la courbe de l'évolution séculaire des alignements.

Tableau 2

Dynamique de l'occupation des rangs par période

Groupe d'années

Donnée approximative*

Période

1625-1660

0,4

a

1660-1725

3

 

1725-1815

11

b

1815-1840

36

c

1840-1870

116

d

1870-1930

7

e

1930-1945

20

f

1945-1980

-63

g

* Quotient de la différence du nombre de rangs d'une année-cible à l'autre par le nombre d'années.

Périodes :

a) au XVIIe siècle, moins d'un nouveau rang par an;

 

b) vers la fin du Régime français, 10;

 

c) de 1815 à 1840, plus de 30 par an, meilleure phase « range »;

 

d) le rythme le plus élevé dans toute l'histoire du Québec se manifeste de 1850 à 1860 avec 130 par an, la principale décennie du « rang de canton »;

 

e) de 1870 à 1930, beaucoup de rangs se dégarnissent et même ferment, d'autres se créent, pour un bilan faiblement positif;

 

f) durant la crise, le compte s'améliore, étant donné l'accélération dans la création de rangs;

 

g) depuis la Seconde Guerre, le bilan se fait fortement négatif par suite de l'arrêt de la colonisation et la fermeture de nombreuses entités anciennes.

Ainsi, au Québec, l'évolution numérique des rangs n'a pas été linéaire.

Rangs créés et rangs cumulatifs

II est moins difficile d'estimer la valeur numérique des rangs occupés que celle des rangs qui ont été un jour ouverts. Logiquement, la quantité des seconds est au moins égale à celle des premiers; en fait, le problème est de savoir de combien elle est supérieure.

L'évaluation chiffrée des rangs créés n'a pu se faire qu'à partir de l'utilisation délicate de tous les documents disponibles. Les principales données touchent la création des territoires (seigneuries, townships, paroisses), l'arpentage rural (lots et chemins), la population agricole, le nombre et la superficie occupée des fermes, les cartes (cadastre) et les histoires locales. L'examen critique, comparatif, diachronique et plurirégional ne conduit toutefois pas à des données sûres.

En fait, jusque vers le milieu du XIXe siècle, les textes distinguent mal les notions de rangs créés (ou à créer dans l'avenir immédiat) et de rangs occupés; il en est ainsi de la cartographie de J. Bouchette (1831) où le nombre de rangs vifs est inférieur de plusieurs centaines à celui de toutes les rangées dessinées. Une semblable lecture pourrait être faite du Terrier de 1663 (Trudel, 1973). De 1840 à 1945, les deux courbes des rangs créés et des rangs habités vont fortement diverger; alors que la première continue d'augmenter, la seconde se stabilise pratiquement. À la fin de la période, une forte distance sépare donc les deux courbes : les rangs créés cumulatifs (addition continuelle des rangées un jour colonisées) pouvant en nombre doubler les rangs toujours habités. Depuis le milieu du XXe siècle, cette distance s'accroît, la courbe des rangs créés plafonnant, celle des rangs occupés diminuant grandement. Les notions de rang créé et de rang occupé correspondent donc à des faits bien différents.

L'évaluation du nombre séculaire des rangs créés est en outre soumise à l'imprécision du niveau minimal d'existence de chacun d'eux. Une rangée marginale qui n'aurait reçu que quelques colons durant une seule génération doit-elle être comptée? Comptée autant qu'un bon rang qui a persisté? Or, tout changement dans le dénominateur influence le pourcentage des rangs abandonnés. Devant cet autre fait peu saisissable, nous faisons état de trois totaux de rangs créés : un minimum de 8 000, une moyenne de 12 000 (chaque rang ayant eu une certaine importance et durée) ainsi qu'une valeur possible de 15 000 rejoignant tous les alignements, même ceux qui ont à peine existé.

Fermeture de rangées

L'inexactitude statistique qui entache la quantification des rangs créés et des rangs occupés touche également celle des rangs fermés.

Cycle de rang

De nombreuses rangées ont vécu une évolution en deux temps :

1) défrichement, dénomination et occupation;

2) abandon de toute population et de toute exploitation.

Lors de cette seconde période, des rangs ont été digérés par l'expansion urbaine mais la plupart sont retournés au bois. De tels alignements, de leur naissance à leur mort, ont subi ce que nous avons suggéré de désigner un cycle de rang.

Déroulement chronologique

L'évolution séculaire s'est déroulée en quatre moments :

1) D'abord, le phénomène de l'impermanence à l'endroit de l'occupation de la terre a tôt existé car la carte de Villeneuve (1688) mentionnait des « déserts abandonnés ». Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, divers facteurs (faible augmentation démographique, « forêt confuse », subdivision des lots d'origine, moyens techniques limités, arpentage insuffisant, manque de chemins de pénétration), ont empêché l'ouverture d'un grand nombre de rangées, ce qui, en plus, jouait contre la durée des autres. Si la colonisation n'a pas été massive, elle s'est montrée cohérente et structurée; pendant tout le Régime français, la création de nouveaux rangs par rapport à la population totale a été plutôt élevée, en comparaison de ce qui va se passer après (tableau 3).

2) Peu avant le début du XIXe siècle, (la carte Dorchester en 1795 identifiait 140 townships), l'administration et l'arpentage britanniques vont faire apparaître un cadre townshipien subdivisé en séries allongées de lots; ainsi, de 1799 à 1807 seulement, le gouvernement colonial va créer 78 townships (théoriquement 780 rangées) alors que la colonisation continuait dans les seigneuries. La très grande majorité des 1 000 bandes vides sur la carte de Bouchette (1831) seront habitées par la suite. Nous faisons l'hypothèse que l'émigration antérieure à 1870 a davantage contribué à l'amaigrissement des rangs qu'à la fermeture complète d'un grand nombre d'entre eux. La différence entre le nombre de rangées créées et celui des rangées encore occupées était alors demeurée faible.

3) La première grande période de fermeture de rangs durera de 1870 à 1940; de 3 000 à 5 000 entités ont dû être abandonnées, surtout en dehors des décennies 1900-1920 et 1930-1940. Les Laurentides, les Cantons-de-l'Est et l'Outaouais ont été particulièrement affectés.

4) Enfin, le dernier demi-siècle aura connu la seconde hécatombe rangique. Depuis la dernière guerre, de 2 000 à 3 000 autres entités ont dû disparaître. Cette fois, l'Estuaire, la Gaspésie, le Lac-Saint-Jean et l'Abitibi venaient s'ajouter aux régions touchées lors de la troisième période; cette perte numérique absolue réduira d'autant le capital des années précédentes.

Figure 2

Rangs créés, occupés et fermés, Québec 1625-1980

Pour la période d'avant 1800, il n'a pas été possible de tenir compte de la différence numérique faible entre les rangs créés et les rangs occupés.

L'histoire des rangs occupés qui couvre presque quatre siècles comprend trois grandes périodes :

 

  1. de 1630/40 à 1870, la courbe montre une profonde concavité dont au début un long segment d'accroissement lent et à la fin un segment de forte augmentation; le phénomène de l'ouverture de rangées domine;

     

  2. durant trois quarts de siècle, le nombre général de rangs occupés oscille entre 5 000 et 7 000; la période est caractérisée par deux mouvements contradictoires (des ouvertures et des fermetures d'alignements d'habitat);

     

  3. depuis 1940, la dynamique négative l'emporte nettement, le stock rangique ayant diminué du tiers.

     

Ainsi, quant au nombre total de ces rangs, le Québec contemporain est revenu à la situation du début de la grande vague ruraliste du siècle précédent.

Ces rangées de peuplement sont désignées rang, côte, concession ou autrement.

Bref, au cours de toute l'histoire du rang, de 60 % à 70 % des rangées créées ont été victimes d'une fermeture totale, parfois seulement après une génération d'occupation. Malgré ses énormes pertes, le rang comme phénomène et comme terme a manifesté de la vivacité. Il a triomphé de la tentative du Roi (et de Talon) de le remplacer par l'habitat groupé à un moment où toute la colonie pouvait avoir moins de 60 rangées. L'habitat rural de type rang existe toujours; dans la Plaine du Saint-Laurent hors les aires péri-urbaines, peu de ses bonnes entités ont été atteintes; la structure agraire de la Côte-de-Beaupré n'a pas radicalement changé depuis trois siècles et demi; des boulevards montréalais ont transformé les anciens chemins de rang mais ni leur site ni même leurs appellatifs. Il est difficile d'imaginer que les 2 500 000 hectares présentement en occupation rangique puissent être oblitérés par un mode agraire autre. L'évolution a apparemment conduit à une structure d'équilibre qui devrait persister.

Les variations régionales

Étant donné l'universalité des rangs au Québec méridional, la question des disparités régionales se pose-t-elle? Nous pouvons répondre tout de suite par l'affirmative car ni l'implantation des peuplements ni le remplissage des rangées ni la répartition des lignes d'établissements ni même la fermeture des habitats ne se sont montrés uniformes au plan spatial.

Dès le début, deux étages d'occupation ont été reconnus :

1) les rangs du fleuve dont les terres partaient du Saint-Laurent et qui ont fait naître l'idée que toute la colonie présentait l'image d'un long village ininterrompu;

2) les rangs d'arrière-fleuve qui pénétraient dans l'intérieur proche, surtout au long des affluents (rangs de rivière). À la fin du Régime français, les rangs du fleuve ne dominaient plus en nombre mais ils rassemblaient toujours la majorité de la population, d'où une certaine confusion dans l'importance nationale du peuplement de façade.

Tableau 3

Rapport entre le nombre total de personnes
et le nombre de rangs occupés au Québec, 1660-1980

 

Année

Quotient

 
 

1660

173

 
 

1710

118

 
 

1755

107

 
 

1830

319

 
 

1870

212

 
 

1915

325

 
 

1945

543

 
 

1980

1 900

 

L'accroissement du nombre de rangs n'a pas suivi celui du nombre total des individus; aussi le rapport général population/rang s'est-il accru. L'évolution n'a cependant pas été régulière : l'effort rangique apparaît plus grand au cours de la première moitié du XVIIIe siècle de même que vers le milieu du siècle suivant, comme l'indiquent des quotients plus faibles.

Québec, qui a été pendant environ un siècle la principale région à rangs, a cédé sa place à la Plaine de Montréal, plus avantagée d'ailleurs au triple plan de l'étendue, du climat et du marché.

Au XIXe siècle, un autre déplacement dans la répartition rangique s'est produit à partir de la Plaine laurentienne vers ses bordures vallonnées et même au-delà, au sud (Cantons-de-l'Est, arrière Estuaire, Gaspésie) comme au nord (Outaouais, Laurentides, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Abitibi-Témiscamingue). À la fin des années 1930, la Plaine de Montréal et l'Estuaire (sud) composaient les deux principaux réservoirs de rangs au Québec. On notait aussi un phénomène de surcharge démographique dans les rangées de l'Est de la Province, dans les comtés de Gaspésie et de Charlevoix en particulier, la taille des familles rangiennes y étant forte. Au temps de la Seconde Guerre, les rangées des Appalaches et du Bouclier réunies équivalaient en nombre à celles de la Plaine du Saint-Laurent. Au Québec, environ deux rangs sur cinq se trouvaient dans le Pré Nord8. Depuis la Seconde Guerre, l'abandon de milliers de rangs dans les Appalaches et le Bouclier a augmenté l'importance de la Plaine du Saint-Laurent, en particulier la grande auréole agricole de Montréal dont le Richelieu et le Sud-Ouest. Domine donc non plus le rang de canton des périphéries mais le rang d'arrière-fleuve des Basses Terres laurentiennes.

Afin d'évaluer l'importance rangique des différentes régions, il ne faudrait pas trop se fier aux lieux décrits par les romanciers des campagnes (âge d'or de 1925 à 1950), car les principaux choix (Nord de Montréal, Mauricie et Saguenay–Lac-Saint-Jean) ne correspondaient pas aux principales entités agraires du Québec.

Enfin, il faut distinguer le comportement de l'ensemble du Québec méridional de celui des aires régionales : pendant qu'une région gagne des rangs et qu'une autre en perd, le total provincial des alignements d'habitat peut demeurer le même.

Conclusion

Cette recherche soulève le voile de la question délaissée du nombre de rangs au Québec. Une évaluation moyenne conduit à environ 12 000 entités créées; de ce nombre, moins de 7 000 ont été occupées en même temps. Il en resterait près de 4 000 maintenant. Historiquement, la grande majorité des rangs ont été ouverts après les régimes coloniaux de France et de Grande-Bretagne; la principale masse est donc chose québécoise.

L'étude fait également voir le rythme d'ouverture et de fermeture des rangées tant aux plans provincial que mésorégional; le phénomène apparaît suivant ses variations propres dans le temps et l'espace. Cependant, une même forme — le rang-schéma — se retrouve au travers des variations pluricentenaires.

Comment juger de l'importance numérique des rangs? Le tableau 3 essaie de répondre en mettant en parallèle la population totale du Québec et le nombre de rangées occupées, et cela pour quelques années jugées caractéristiques. Il indique que ce rapport s'est profondément modifié depuis le XVIIe siècle suivant une évolution généralement progressive. Sous le Régime français qui connaissait une économie moins diversifiée que celle d'aujourd'hui, la relation s'établissait à 100 individus plus ou moins; en 1940, ce quotient était de 500, et il approche de 2 000. Suivant cet indicateur, l'attention nationale accordée au rang a énormément diminué. Avant la Conquête, il n'y avait certes pas eu de nombreuses lignes d'établissements (tableau 2) mais relativement à toutes les situations postérieures, l'habitat aligné intéressait une proportion bien plus élevée d'individus.

L'année 1870 témoigne d'un renversement de la tendance suite à un grand effort de colonisation; au cours des années de la décennie précédente, jamais il ne s'était ouvert et jamais il ne s'ouvrira autant de rangées. Au XXe siècle, on a vite repris l'allure générale de la courbe qui montre un accroissement du quotient population/rangée; l'année 1915 présente une valeur presque identique à celle de 1840.

Tableau 4

Répartition procentuelle des rangs occupés dans les régions du Québec, vers 1980

Régionyme

Pourcentage approximatif

Péri-Montréal

27,7

Cantons-de-l'Est (sens large)

16,0

Québec-Beauce

13,3

Mauricie(aire sud)-Lac-Saint-Pierre

12,4

Estuaire sud-Gaspésie

10,5

Saguenay–Lac-Saint-Jean-Charlevoix-Côte-Nord

6,2

Outaouais

6,0

Abitibi-Témiscamingue

5,9

Nord de Montréal

2,0

Source : Comptage sur cartes et évaluation a partir de la superficie totale des fermes. Se rappeler que les limites de certaines régions sont mal fixées. C'est la Plaine, entourant le Montréal urbain, qui constitue la première région à rangs du Québec

Sous plusieurs aspects, la situation actuelle suggère un faible intérêt accordé au rang. Il n'y a plus que 121 000 personnes (1986) entrées sous la catégorie « population agricole », quantité qui était celle d'il y a deux siècles; ces personnes ne représentent pas 2 % de la population totale du Québec; jamais un tel pourcentage n'aura été aussi bas. Le nombre de fermes n'atteint pas 50 000, soit trois à quatre fois moins qu'il y a un demi-siècle. La situation rangique ne constitue plus un trait national qu'aux principaux plans de l'histoire, de la culture ainsi que des quelques millions d'hectares encore occupés.

Remerciements

L'auteur tient à remercier Jean-Claude Boulanger, Serge Courville, Louise Dion, Benoît Dumont, Jacques Mathieu et Yves Tessier.

Notes

1 Néologisme proposé, Québec, 1984. Adjectif de rang.

2 En ce qui concerne la carte de Bouchette, voici une remarque méthodologique. Ce résultat nécessite une lecture très attentive des cartes car, suivant un « examen détaillé », les « unités territoriales (rangs, côtes et concessions) sont délimitées par le même type de trait que pour les unités précédentes (seigneuries, cantons, fiefs et paroisses) et sont de ce fait difficilement repérables » (Boudreau, 1986, p. 46). Plutôt que de nous baser sur un signe exclusif, nous avons considéré un ensemble de symboles : forme des terroirs, chemin et route, habitation, école, autres indications de peuplement et toponyme.

3 Depuis 1940, plus de 700 cantons ont été proclamés; sur les 7 000 nouvelles rangées théoriques, très peu de dizaines ont été influencées par la colonisation.

4 Gédéon de Catalogne et J.-B. Decouagne, Carte du gouvernement de Québec... Carte du gouvernement de Trois-Rivières... Québec, 1709. Transcription P.-L. Morin (vers 1900); par A.-E.-B. Courchesne, 1923. Pour la région de Québec, voir la carte « historique » de G. Gallienne, Société de généalogie de Québec, 1974; reproduction par fac-similé et cahier de lecture par C. Paulette, Québec, Éd. officiel, 1976.

5 L'immense bibliographie sur le peuplement du Québec est utile dans l'interprétation de l'évolution numérique des rangs. Le cadre de cet article ne se prête pas à un inventaire complet. En ce qui concerne le Régime français, outre les travaux classiques de Marcel Trudel, voir Harris (1984).

6 Un rang de canton est aussi long qu'un range complet mais il comprend des lots dont la profondeur ressemble à celle du Régime français et dont la largeur tient à la fois aux lots du range ainsi qu'aux terres d'origine des anciennes seigneuries.

7 Cet accroissement doit également être interprété avec prudence; une partie des 11 millions d'acres en 1871 ne se retrouve plus dans les 18 millions de 1941, des abandons ayant déjà eu lieu; le 18 est une donnée momentanée, non une donnée cumulative. Réflexions sur les statistiques du Recensement du Canada, Ottawa.

8 Au plan agricole, zone qui touche en totalité ou en partie chacun des écoumènes régionaux du Québec, excepté les terroirs de Montréal et des Cantons-de-l'Est.

Bibliographie

ARCHIVES NATIONALES DU QUÉBEC (1983) Aveux et dénombrements des Seigneurs de la Nouvelle-France. 1721-1745. Travaux relevés par Jacques Mathieu, Université Laval, à partir des ANQ, NF7, 3 volumes.

BLANCHARD, Raoul (1949) Les excédents de population et l'agriculture dans la province de Québec. L'Actualité économique, 24 : 635-641.

BOUCHETTE, J. (1815) This Topographical Map of the Province of Lower Canada... Londres, Walker, reproduction Elysée, Montréal, 1980, 40 feuillets. Introduction par Pierre Lépine, 18 p., carte au 1 : 190 000.

———— (1831) This Topographical Map... Lower Canada. Londres, Wyld, carte au 1 : 150 000.

———— (1832) A Topographical Dictionary of the Province of Lower Canada. Londres, Longman, 2 tomes.

BOUDREAU, Claude (1986) L'analyse de la carte ancienne. Essai méthodologique. La carte du Bas-Canada de 1831 de Joseph Bouchette. Québec, Université Laval, Rapports et mémoires de recherche du Célat, 7, 169 p.

BOURDON, J. (1641) Cartes depuis Kebec Jusque au Cap de Tourmente. Québec.

CAMPEAU, Lucien (1983) Le peuplement de la Nouvelle-France, opération civilisée. In René Bouchard (dir.) La vie quotidienne au Québec... Mélanges à la mémoire de R.-L. Séguin. Québec, Presses de l'Université du Québec, p. 107-123.

CANADA-UNI (1863) Cadastres abrégés des seigneuries. Québec, Imprimeur de la Reine. 7 volumes.

COURVILLE, Serge, dir. (1984) « Rangs et villages du Québec », numéro spécial des Cahiers de géographie du Québec, 28 (73-74) : 1-322.

COURVILLE, Serge et al (1988) Paroisses et municipalités de la région de Montréal au XIXe siècle (1825-1861). Répertoire documentaire et cartographique. Québec, Presses de l'Université Laval, 350 p.

DRAPEAU, S. (1863) Études sur les développements de la colonisation du Bas-Canada depuis dix ans (1851-1861). Québec, Brousseau, 593 p., cartes d'accompagnement.

FRÉCHETTE (1853) Arrêt du Conseil d'État du Roi de mars 1722... pour le district des paroisses de ce pays. Bas-Canada, Subdivisions... Québec, Assemblée législative, p. 2-25.

HAMELIN, Louis-Edmond (1989) Le rang d'habitat : étude pluridisciplinaire de signification. Québec, Université Laval, thèse non publiée, 410 p.

HAMELIN, Louis-Edmond (1993) Le rang d’habitat : le réel et l’imaginaire. Montréal, HMH, 328 p.

HARRIS, R.C. (1984) The Seigneurial System in Early Canada. A Geographical Study. Montréal/Kingston, McGill University Press/Queen's University Press, 2e édition, 247 p.

HUBERT, Paul (1929) Le problème de la colonisation au Canada français. Montréal, ACJC, 300 p.

HYDRO-QUÉBEC (1978- ) Inventaires géographiques régionaux. Montréal, cartes au 1 : 125 000 et guide d'utilisation.

QUÉBEC (1970- ) Cartes du réseau routier. Québec, ministère des Transports, au 1 : 50 000 et au 1 : 125 000.

———— (1982) Répertoire des cantons. Québec. Service de l'Arpentage, mise à jour par Fernand Martel, 69 p.

TRUDEL, Marcel (1973) Le terrier du Saint-Laurent en 1663. Ottawa, Université d'Ottawa, 618 p.

(Acceptation définitive en décembre 1989)

Cartographie

Réalisation et photomécanique : Serge DUCHESNEAU