Présentation générale


Le Québec par des mots rassemble quelques milliers de mots, termes et toponymes répartis en trois répertoires intitulés :

I Le rang des campagnes (exemple d'un répertoire thématique)

II L'hiver et le Nord (l'ensemble du Québec comme pays froid)

III Les Laurentides (exemple d'un répertoire régional)

Les présents matériaux vocabulairiques s'alimentent aux sources usuelles de même qu'à trois types de documents personnels :

a) un fichier monté au cours des quarante-cinq dernières années à partir d'horizons variés;

b) des glossaires touchant des champs spécifiques, comme les glaces flottantes (1959), les noms de lieux du Canada (Atlas du Monde contemporain, en collaboration, 1967) et le nord (2 vol., 1978);

c) des analyses sémantiques, telles celles concernant le rang, l'hiver et les Autochtones. L'oeuvre exprime une préoccupation ample et à long terme.

La démarche profite d'une convergence pluridisciplinaire. Sont évidemment utilisées les disciplines du langage dont la terminologie, la néologie et la toponymie. L'auteur fait aussi appel aux sciences de la terre et du territoire, à l'histoire, à la cartographie, aux sciences socio-humaines et, en certains cas, à la littérature. Les études du vocabulaire ne deviennent pas pour autant écartelées; en effet, l'outil utilisé, le « polygone désignatif », permet de centrer toutes les phases intellectives sur la compréhension des notions et de leurs signes.

Ce répertoire ne rassemble cependant pas tous les essais vocabulairiques de l'auteur. Le centrage sur le Québec fait abandonner presque en entier les recueils se rapportant aux horloges, à la nutrition (en collaboration), à la géomorphologie, au périglaciaire, aux réseaux hydrographiques, aux clôtures, à des « lusotanismes brésiliens », à des termes latins de Mercator (XVIe siècle) de même qu'à des faits géographiques mondiaux. Ainsi, des milliers d'entités lexicales se trouvent volontairement mises de côté.

Le choix des entrées est influencé par l'objectif d'une certaine complémentarité à l'endroit des vocabulaires existants. Ne sont guère répétés les mots courants déjà engrangés par les fichiers et banques de données. Sont préférés des thèmes peu fréquentés, tels ceux concernant l'entièreté du territoire québécois, les régions, le nord, les manifestations de la froidure, l'hiver, les rapports à l'habitat, l'« érablerie », le Saint-Laurent (et dérivés de Laurent), d'autres traits culturels francophones auxquels s'ajoutent des phénomènes autochtones et anglophones. À propos des locutions, certaines sont rarement définies. D'autres, correspondant à des propositions néologiques, tel rang-schéma, pourraient favoriser l'analyse de secteurs du langage. L'oeuvre se voudrait une contribution aux connaissances du pays par l'étude d'indicateurs lexicaux significatifs. En même temps, elle fait prendre conscience de ce en quoi un inventaire vocabulairique, établi à partir de traits originaux du Québec, apparaît « différentiel » par rapport au parler standard de France. Étant donné la nature des principaux domaines considérés dans Le Québec par des mots, plusieurs citations seront tirées des travaux de l'auteur, Louis-Edmond Hamelin.

En particulier, ce répertoire possède l'originalité de refléter le contenu nordique du territoire; celui-ci est bien réel non seulement dans la péninsule éloignée du Québec-Labrador, mais aussi, pendant des mois, dans la zone méridionale. Partout, du nord au sud, l'engel teinte les arpents de la québécité. Aussi l'ouvrage rassemble-t-il beaucoup d'entités et de sens que ne considèrent pas spontanément les chercheurs intéressés au vocabulaire européen utilisé en Laurentie. Les présents relevés attestent d'une proximité par rapport à l'ensemble des milieux pan-québécois d'aujourd'hui; ils expriment un signe existentiel dans le choix même des thèmes, car ici, les traits nordiques sont premiers, non dérivés. Une telle concrétude pourrait étonner ceux des usagers de la langue courante qui, tournant usuellement le dos aux réalités nordicistes et hivernistes, seraient tentés d'interpréter la présente nomenclature comme relevant des langues de spécialité, telles celles des sciences naturelles.

La compréhension maximale que peut exprimer une entité est également recherchée; par exemple, dans l'énoncé Québec méridional, il s'agit moins d'annoncer naïvement une position géographique faiblement septentrionale que de s'interroger sur la capacité de l'expression sudiste de représenter tout l'espace du Québec (voir laurentisation); l'ensemble de l'ouvrage, fruit à la fois de cueillettes et d'une démarche terminologique, se présente comme un outil de questionnement de certains usages. Ce vocabulaire québécois pourrait ne pas apporter pour autant le repos notionnel.

L'auteur évalue son oeuvre partielle, et cela pour quatre raisons :

a) Elle privilégie la sphère géoculturelle, c'est-à-dire qu'elle préfère s'arrêter aux traits humains fondamentaux inscrits dans l'espace; elle n'équivaut pas pour autant à un dictionnaire d'anthropologie.

b) Aux plans régional et thématique, elle ne considère même pas tout le géoculturel, les quelques domaines retenus ne correspondant pas à la totalité des facettes du pays; de plus, elle ne s'est pas arrêtée à la dialectologie.

c) Une autre limitation vient du contenu actuel des articles qui est constamment remis en cause par l'évolution des phénomènes, de nouveaux relevés et des recherches spécifiques.

d) Enfin, seules quelques milliers d'entités sont étudiées.

En conséquence de toutes les exclusions et faiblesses, l'auteur espère bénéficier de l'indulgence des utilisateurs, notamment ceux d'outre-Atlantique.

L'ensemble des trois parties, notamment par la corpulence surprenante de la famille Laurentides (tronc lancé par l'historien F.-X. Garneau en 1845), manifeste la vitalité continue de la langue française au Québec. Par ailleurs, l'originalité des milieux et le progrès dans les analyses se traduisent par l'apparition d'expressions signifiantes et bien francophoniennes; il pourrait en être ainsi de glaciel (1959) pour « glaces flottantes ».

Cette ébauche d'un Québec géoculturel comprend différentes parties dont l'ordre de publication peut être différent de l'ordre d'élaboration. Chacune d'entre elles est soumise à la même méthode d'analyse et de rédaction des articles. Partout, on ne traite que du Québec, mais de la partie nord comme de la partie sud. L'autonomie des vocabulaires sectoriels est préférée à une ordonnance continue de toutes les entrées; ainsi, la présente démarche respecte l'originalité de chaque répertoire qui, en outre, peut recevoir une introduction appropriée et répondre à des besoins particuliers de la clientèle. En fait, l'inconvénient de la division de la matière sous plusieurs enseignes est diminué par un index complet rassemblant en ordre alphabétique tous les mots, termes et toponymes identifiés dans les tomes.